Quand et comment a débuté votre parcours artistique?
Mon parcours est hétérogène: après le lycée classique, je me suis spécialisée en scénographie à l’Académie des Beaux-arts de Brera à Milan, où j’ai poursuivi le dessin et découvert le travail sur les trois dimensions en réalisant des décors pour le théâtre. C’est ainsi qu’a eu lieu ma première approche de la sculpture.
Après avoir déménagé en France en 2000 pour des raisons personnelles, j’ai voulu approfondir cette passion et me suis inscrite à de nombreuses formations, élargissant ainsi mes connaissances en la matière et réalisant des sculptures dans divers matériaux, via différentes techniques.
C’est précisément pendant l’une de ces sessions que j’ai découvert le grillage métallique. Au début, j’utilisais en alternance l’argile et le grillage métallique, puis à partir de 2016, j’ai commencé à me consacrer toujours davantage à ce deuxième matériau avec lequel je me sentais chaque jour un peu plus à mon aise.
Comment avez-vous découvert que le grillage métallique pouvait être le matériau idéal pour créer vos œuvres?
En 2000, pendant un cours, Béatrice Koster m’a demandé de l’utiliser pour réaliser une œuvre destinée à l’exposition intitulée «Le corps et l’air».
C’est ainsi que j’ai créé ma première sculpture en grillage intitulée « Le saut ». J’utilisais ce nouveau matériau pour la première fois et au début, je me suis un peu retrouvée en difficulté car je ne voulais pas qu’il y ait des chevauchements, les jonctions devaient sembler comme «cousues».
Je n’ai pas compris tout de suite que le grillage métallique allait être mon matériau de prédilection car j’aimais et j’aime encore beaucoup travailler l’argile. Il m’a fallu quelques années pour me rendre compte que c’était le matériau parfait pour exprimer mon désir de donner forme au vide, de matérialiser des êtres et des silhouettes qui peuplaient mon imaginaire.
Puis, en 2016, j’ai proposé un projet d’exposition à l’occasion du 50e anniversaire du Teatro Povero di Monticchiello, en Toscane, le village natal de mon père. L’idée a été accueillie avec enthousiasme et cela m’a permis de réaliser mes premières sculptures de grande taille en hommage à ce lieu, à sa population pleine d’énergie et à mon père. C’est ainsi qu’est née l’exposition «Souvenirs».
Avec sa transparence, le grillage métallique m'a permis de me plonger dans la dimension du souvenir, en donnant forme à des personnages liés à mes souvenirs de petite fille et de la vie dans ces lieux. C'est un matériau qui me permet d'aller au-delà du temps, d'explorer le passé et le futur en les mêlant à mon imaginaire.
Le vide apparent qui nous entoure regorge en réalité de formes invisibles et impalpables, celles de la mémoire ancienne et universelle, celles de la mémoire récente, de l’histoire de chaque personne et celles d’un futur qui est déjà parmi nous à travers les yeux de l’imagination.
Nous baignons dans un flux continu qui contient le passé, le présent et le futur, mais nous sommes souvent incapables de nous en apercevoir car il est nécessaire de s’arrêter et d’attendre, de s’arrêter et de regarder, de s’arrêter et d’écouter. Alors seulement les silhouettes et les formes apparaissent, murmurent et nous observent.
Avec mes sculptures, je souhaite stimuler le spectateur, même s’il est plongé dans un décor réel et concret, à chercher au-delà de ce qu’il perçoit avec sa vue et son ouïe. La transparence des sculptures l’accompagne et le transforme en un voyageur suspendu dans une époque indéfinie entre le passé, le présent et le futur. Son processus de recherche visuelle se transforme en un parcours de l’esprit qui plonge dans les souvenirs ou se projette dans un futur possible.
Comment naissent vos œuvres et quelle est l’importance pour vous du lien entre les œuvres elles-mêmes et le contexte dans lequel elles seront installées?
J’ai principalement deux manières de travailler. Certaines sculptures sont créées spécifiquement pour le lieu où elles seront exposées. Je réalise un repérage, je cherche à m’imprégner des sensations que je perçois.
Ensuite, je réalise une recherche iconographique et des croquis sur la base de l’idée que j’ai eue et qui parfois se transforme au fur et à mesure de la réalisation du projet. La deuxième façon de travailler consiste à installer des sculptures déjà existantes dans de nouveaux lieux. Dans ce cas également, après un repérage, je cherche à ressentir et à voir les espaces de manière à ce que chaque sculpture trouve presque naturellement sa place.
En observant un lieu, on peut parfois percevoir des « vides » comme si l'on attendait que quelque chose apparaisse. C'est en général là que les sculptures sont placées et cela m'est souvent confirmé par le regard des spectateurs qui me disent «c'est comme si elle avait toujours été là!». Il m'est arrivé en démontant une exposition de créer un manque, une nostalgie chez les passants désormais habitués à apercevoir les silhouettes transparentes de mes sculptures.
Quelles sont les spécificités des grillages Cavatorta qui vous ont poussée à choisir ces grillages-là?
Le grillage Cavatorta est solide et permet de conserver la forme pendant la réalisation de l’œuvre, ce qui me donne la possibilité de poser une seule couche sur certaines pièces.
Récemment, pour réaliser des sculptures de plus grande taille comme l’Hippocampe, outre le grillage à mailles lâches j’ai utilisé celui électrosoudé, encore plus solide, de manière à offrir une base sûre à certaines parties. L’effet dégradé qui en résulte est très intéressant, il accentue la partie évanescente de la sculpture et en même temps la rend plus robuste.